Anima #4
Mardi 2 juin — Ce matin, il neige du pollen.
Depuis toujours, j'ai ressenti cette envie au fond de moi, m’exiler dans un pays de neige. Peut-être pas pour être balloté tout au long de l’année dans d’interminables blizzards car j’aime observer le rythme des saisons, me fondre dans cette pulsation terrestre.
Mais voir revenir régulièrement ces matins où, depuis le lit au réveil, on ressent l’étouffement des sons du dehors et on sait. On sait que les étoiles ont tissé une couette de flocons, qui s’est délicatement posée sur la forêt durant la nuit. On jette alors le premier coup d’oeil avec un sourire d’enfant. Un peu comme celui qui, à la simple évocation de ce paysage se dessine surement en toi, perdu là, quelque part sur tes lèvres.
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Mercredi 3 Juin — Il y a ce roman que je me garde pour cet été. « Circé », de Madeline Miller. Le premier paragraphe m’a tellement envoûté que je ressens un mélange d’envie et de peur à l’idée de le lire. D’ailleurs, envie et peur ne sont-elles pas simplement deux faces de la même pièce ?
Peur d’être un peu déçu tellement ce premier paragraphe est plein, parfait. Cela fait quelques semaines que je le relis, le laisse tourner en moi. Je ne cherche pas à le mémoriser, au contraire j’ai systématiquement plaisir à relire ce court passage. J’imagine tout l’univers qui peut se dérouler à partir de sa trame.
J’ai décidé que je commencerai la lecture du livre le 21 juin prochain. Parce que c’est le solstice, mais aussi un jour de nouvelle lune.
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Vendredi 5 Juin — Un écureuil passe sur la branche en face de moi. Les hommes on coupé quelques arbres hier et ça fait un manque. La neige de pollen s’est transformée en pluie fine et subtile ce matin.
Et voilà que je repense à la neige, alors que nous sommes à l’orée de l’été.
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Port de Reykjavik, 2015.
Ressources :
Bruce Percy, un photographe que j’admire pour son minimalisme esthétique et sa façon de photographier la neige : brucepercy.co.uk
Le premier paragraphe de « Circé » :
« Quand je suis née, le mot désignant ce que j’étais n’existait pas. Ils m’appelèrent donc nymphe, présumant que je serais comme ma mère, mes tantes et mes milliers de cousines. Moindres que ceux des déesses mineures, nos pouvoirs étaient si modestes qu’ils garantissaient à peine notre éternité. Nous parlions aux poissons et soignions les fleurs, cajolions nuages et vagues pour en extraire les gouttes d’eau et de sel. Ce terme de nymphe englobait notre futur en long et en large. Dans notre langage, il ne signifie pas uniquement déesse mais aussi jeune mariée. » — Madeline Miller
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